C’était bien cet été tu te souviens?
Non je vais pas le raconter aux autres. Je vais le garder pour moi. Il y a des choses qu’on n’a pas envie de partager. Mais cet été c’était bien. Moi je me souviens.
Je me souviens que j’étais bien, il faisait beau et tu m’as offert cette immense capeline que j’ai mis tous les jours et que j’aurais pu continuer à mettre tous les jours de l’année. Parce que j’avais pas envie que l’été s’arrête.
Cet été j’y croyais pas trop à Londres. Je voyais ça de loin un peu. Comme une parole en l’air. Ouais Londres carrément. J’aimerais bien. Mais bon on s’en fout non?
Et puis Londres est arrivée. Les deux premiers jours c’était encore un peu l’été. On a fait du shopping, on a mangé des trucs gras. C’était cool.
Ensuite l’été est parti. Il m’a laissée toute seule. Il m’avait prévenue. Il m’avait dit d’être forte.
Je suis une fille du sud, chez nous on aime pas l’hiver.
Je pensais que j’étais prête à affronter l’hiver. Je pensais être équipée. J’avais déjà connu pire.
Mais je pensais pas que ce serait si dur. Les ordinateurs qui tombent en panne, l’imprimante qui ne marche plus, internet qui ne fonctionne pas. La mauvaise communication avec la boite de Paris, les collègues qui envoient des mails moralisateurs sans raison avec tout le monde en copie. Le boss qui cache à son associé les dépenses. C’était ça alors ma nouvelle vie? Les visites chez le comptable comme quand on va chez le cardiologue. Avec la peur au ventre. La peur d’avoir fait une connerie, de pas avoir pris assez ses précautions. Et le comptable qui parle dans un dialecte que je ne comprends pas. Invoicing bills taxes incomes outcomes. C’est juste quand je le vois sourire que je comprends que ça va.Je n’ai pas encore le cancer de la comptabilité. C’était ça alors ma nouvelle vie? Me justifier par mail d’avoir acheter avec la carte bleue de la boite du PQ pour le bureau? Monter des meubles ikea en espérant que cette fois ci je n’aurai pas à les renvoyer car ils étaient défectueux? Courir sous la pluie pour aller imprimer un email au taxiphone du coin?
Tous les jours je me lève en me demandant ce qui va se passer. Hier mon macbook m’a lâchée. Pas de bol quand on pense que j’ai du renvoyer mon ordi pro au SAV et que je n’ai désormais plus d’ordinateur.
Et demain il se passera quoi demain? La propriétaire va nous foutre à la porte? Une tornade va raser l’immeuble du bureau? Je vais me faire renverser par un bus à deux étages alors que j’étais en train de sortir du bureau?
Demain comme tous les jours je vais prendre sur moi, aller travailler et compter les jours avant que l’été revienne.
Rien d’insurmontable. Allez Courage. Tu vas t’en sortir. Et puis t’es à Londres, from our perpective ce sera toujours plus stylé
Je compte tellement les jours aussi que je me suis mis un “day counter” sur mon téléphone.
Je t’envoie du soutien moral virtuel inconnu, parce que j’ai l’impression que j’aurais pu écrire certaines des phrases que tu as écris ces dernières semaines, et grâce à ça, je me sens un peu moins seule.
Un peu de soutien aussi de ma part, un ptit rayon de soleil, même s’il n’en reste pas beaucoup par ici non plus. Ca finira par revenir, et en attendant, t’as toujours les tailleurs jaune poussin de la Queen, ça égaierait un mort.